photo de Jean Pierre Kosinski

 

L'HISTOIRE VUE PAR LES AMAZONES

ou la culture ne vit que dans le partage

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Imaginons et cultivons nous un peu :
Assises sur des bottes de paille, pendant que leurs chevaux mangent leur picotin, quelques propos volés à la douce bise, qui se fait légère en cette soirée de printemps, et vous rapporte ces quelques questions.
Notre amie l'historienne, Rosine Lagier a eu la gentillesse de nous faire partager son savoir. MHJ

 

Très très rapidement et aussi brièvement que possible cette petite mise au point historique
Pour répondre aux 3 principales questions qui m'ont été posées souvent ce week end au Lion d'Angers


1. les dames voyageant en sambue ne se déplaçaient ainsi que pour voyager d'une maison à une autre, d'un château à un autre... pour rendre visite à quelqu'un ou pour prendre l'air (elle pouvait passer ce temps à coudre, broder, filer tout en se promenant), ou ... bref...
mais en aucun cas pour assister ou participer à une chasse, un spectacle... ce mode de déplacement n'étant pas forcément confortable et sécurisant !


2. monter en amazone = monter en costume prévu à cet effet !
Certes il y eut les amazones de l'Antiquité... MAIS
l'amazone est en effet le costume spécial (codifié vers le XVIIIe) permettant enfin aux femmes de monter à cheval sans falbalas dangereux ou pouvant entraver le trot ou le galop de leurs montures à travers bois dans le feu des chasses à courre ou des jeux équestres !
A chaque saison, cette tenue appelée amazone était codifiée et nulle cavalière "de bon ton" n'y dérogeait sous peine d'être bannie de la "bonne société" ou des femmes dignes de porter le nom d'écuyère ou par extension celui d'amazone !
Chaque année, depuis sa création vers le XVIIIe siècle environ, le costume prévu à cet effet évolua certes en fonction des modes de l'époque ou des directives de Cour. Tout était codifié dans le protocole ou dans les revues de mode paraissant : les couleurs y étaient déterminées, la forme et la longueur des robes, jupes, manches, cols, etc..., la couleur des gants et des bottes... Le choix du chapeau (v. dans mon livre l'évolution du haut de forme par ex.; la longueur des voiles ou sa suppression, le choix de la casquette, d'une toque, etc)... Chaque saison (4 par an) apportait des modifications : vous trouverez dans mon livre bien des détails, anecdotes et délires c'est dire le choix d'une foule d'idées tout en restant dans la réalité historique ! 1000 ans d'équitation en amazone - et donc de mode - apportent bien des idées en la matière !


Dans une large majorité de l'histoire, au quotidien, les cavalières montant en amazone bannissaient les falbalas inutiles, les bijoux ou breloques, le trop de dentelles ou plumes !
Seules les amazones nobles pour leur entrée dans leur château, dans leur ville, en représentation officielle, pour leur portrait officiel, etc... portaient des tenues d'apparat. Reines et princesses royales bénéficiant rarement de quelques entorses pour les chasses ou promenades !
Malheureusement, bien des illustrateurs apportaient leur imagination débordante dans les portraits qu'ils représentaient bien loin de la réalité.
Cette réponse ne vaut que pour celles qui veulent être respectueuses de l'histoire et de la tradition...
Pour la créativité, surtout bon vent à votre imagination superbe !


3. La pochette sur certaines selles à fourches (présentes surtout à partir du début du XIXe siècle)
Les femmes cavalières se déplacent de plus en plus souvent seules à cheval ou en attelage d'ailleurs (en promenade, chasses à courre, en manège, pour aller sur les terrains de courses...) - les féministes naissent... les femmes commencent à se libérer de contraintes notamment dans ce genre de sport, elles ont de plus en plus soif de liberté et d'indépendance - elles se privent dès qu'elles le peuvent du valet les chaperonnant, mettent pied à terre où elles veulent, quand elles le veulent, avec qui elles veulent...
Cette pochette servait à mettre de la menue monnaie pour récompenser celui qui la remettait en selle (garçon de café, majordome d'une maison amie, etc...)


Par extension de liberté, le flirt naquit !
La pochette accueillit le mouchoir de dentelle qui dépassait lorsque le cavalier approché avait ses chances ! En quelque sorte, dans le langage codifié de l'époque, il signifiait "suivez-moi jeune homme !"
Lorsque vous lisez "Il y a un siècle la famille en France" ou "il y a un siècle, la femme", 2 de mes précédents ouvrages à grand tirage, vous vous rendez compte que tous les gestes du quotidien, toute la vie quotidienne étaient réglés par des us et coutumes, étaient codifiés, dans les villes comme dans les campagnes...


J'espère ainsi avoir répondu aux principales questions posées.
Bien amicalement
N'hésitez pas. A votre disposition, dans la mesure de mes humbles connaissances et recherches ...
Rosine Lagier

je relis mes notes et vois un oubli à 2 questions supplémentaires :


Tapis de selle
Pendant longtemps, ce fut une immense housse retenue par une très large bande de passementerie devant le poitrail (en lourd tissu broché et lourde passementerie dans le bas) qui englobait largement la croupe et la queue et descendait bien en bas des jarrets.
Plus tard, lorsque les chevaux furent mieux dressés, les cavalières plus habiles et les tenues plus adaptées, le tapis pris la forme d'une grande descente de lit, toujours en gros tissu broché et large passementerie, une large passementerie passant sous la queue et devant le poitrail du cheval.
1. le tapis de selle en forme de housse servait à protéger de la poussière des routes non goudronnées les merveilleuses toilettes des dames, protégeait de la transpiration des chevaux...
2. mais surtout, en raison de son poids, servait à empêcher la monture de lever dangereusement les pieds mettant en péril la stabilité de la cavalière (eh oui c'était surtout pour cette raison d'ailleurs comme je l'explique dans mon livre !!)
Il prit la forme plus ou moins actuelle vers le XVIIIe siècle.
M'interroger selon les époques si vous avez des doutes.


Nattage crinière et queue
Tel que nous le pratiquons maintenant : c'est une mode relativement récente (essor vers la fin de la première moitié du XXe siècle environ avec la multiplication des concours et l'entrée en vigueur de règlements)
Très souvent, la crinière des chevaux étaient très très longue, soigneusement entretenue et soyeuse, ramenée sur un seul côté de l'encolure. Certaines cavalières la faisaient natter le soir pour l'avoir ondulée dans la journée...
On note parfois des nattes longues avec noeuds et petits flots à chaque terminaison, ou de larges mèches se terminant par un flot ou un pompon
On trouve parfois une sorte de cocarde en passementerie sur le côté gauche du frontal, parfois en son milieu.
Les plumes n'étaient réservées que pour les portraits officiels en habit de parade ou pour passer en revue les armées...


La queue était parfois entremêlée de rubans assortis à la toilette de la dame... Parfois une cocarde enserrait simplement le haut de la queue (la même qu'au frontal)
Les queues étaient elles aussi souvent tressées les nuits pour les rendre ondulées le jour !


Bien sûr, il y a des variantes selon les époques et les occasions de sorties des amazones.
Pour toute rétrospective historique
N'hésitez pas à m'interroger !

A cela voici une réponse de Martine Daviau

Merci Rosine pour ces précisions où l'on voit l'ampleur de vos recherches sur le sujet.

Puis-je me permettre de rajouter que le transport (plutôt que la monte) en sambue allait de pair avec un valet à pied qui menait le cheval ? En effet, même sans avoir les mains occupées à des travaux d'aiguille, il était impossible à la dame d'exercer quelque contrôle que ce soit sur le quadrupède. Que l'on choisissait le plus calme possible, bien sûr. Mais les chutes graves n'étaient pas rares, les chevaux s'effrayant facilement comme chacune l'a appris un jour ou l'autre à ses dépends. Et pas question de galoper : les seules allures courantes car les moins dangereuses étaient le pas, voire l'amble (avec un valet de pied ayant de bons jarrets et un cheval dressé à ne pas allonger, d'autant plus que, comme vous l'indiquez dans le mail suivant, tout était conçu, tapis y compris, pour gêner l'allongement).
C'était un mode de transport à l'air libre pour les dames par différence avec la litière qui était un mode de transport (lent aussi pour les mêmes motifs de sécurité) sous couvert de toiles tendues et qui était soit porté à bras d'hommes, soit par des chevaux sélectionnés pour leur calme.

Quant aux costumes, il est bien évident en effet qu'aller galoper dans sous-bois et halliers en suivant le train d'enfer que menaient les messieurs ne supportait ni fanfreluches ni ornements, mais un bon gros tissu résistant avec le moins de plis possibles : imaginez le danger qu'une branche prenne dans le pli d'une jupe par trop sophistiquée, ou une branchette dans un pendant d'oreille, voire dans un collier. Ca aurait fait un beau carnage. (c'est toujours vrai pour celles qui sortent en amazone en extérieur : laissez les colliers, bracelets, boucles d'oreilles ou percings en forme de boucles à la maison, ce sera plus sûr).
En revanche, pour l'apparat, tous les atours étaient de sortie, parures de bijoux y compris, la chose, pour la majesté et que le peuple ait le temps d'admirer, nécessitant de déployer un faste vestimentaire et ornemental digne du rang de ceux qui défilaient, se déroulant au pas, en milieu fermé mais parfois pavé (rues, places d'armes) et en général, fort encadrée de soldats à pied.

Martine Daviau

Encore quelques précisions :

En ce qui concerne le déplacement en sambue : la monte dite "à la fermière" pratiquée par les paysannes (ou encore dans certains pays de nos jours) lui ressemble étrangement par la position adoptée par la cavalière (bien qu'il n'y ait aucune selle ou sambue où poser sa personne !) ...
La position est la même : assise d'un même côté du cheval ou de l'âne ou de la mule, les 2 jambes pendant à égale hauteur de ce même côté, sans planchette pour poser les pieds.
Ces fermières ou cavalières du Maghreb, de Corse ou des pays de montagne n'ont pas de valet pour les diriger !
Il en était de même dans les époques reculées où, voyageant en sambue (ou sans) dans les campagnes comme dans les villes, seules les dames de la bonne société se déplaçaient avec valet, écuyer, suivante, l'un ou l'autre pouvant diriger la monture ! Les trajets restaient très courts dans l'ensemble.
Les autres - et j'ai beaucoup de livres très anciens ou des gravures ou des récits le prouvant - se déplaçaient comme elles le pouvaient, par leur propres moyens, dirigeant elle-même la monture qui n'était qu'au pas ou au trot mais jamais au galop !. (v. en haut de la p.215 de mon livre par exemple)


Mes 2800 livres anciens, plus de 600 documents d'époque m'aident beaucoup ... et j'ai très souvent les yeux dedans ... et j'ai bien de la chance car c'est absolument passionnant.
Bien humblement plus je fouille dans l'histoire plus je constate que 'ai encore beaucoup à apprendre, à corriger, et à partager avec vous.
Grand Merci à vous de me faire partager aussi vos recherches et impressions. Tout est d'une grande richesse

Rosine Lagier

et la réponse suit

J'ai vu des femmes en tel équipage, en effet, en Tunisie. Par-dessus le barda. Il faut dire que le quadrupède, dans ce cas, a peu de velléités de rébellion dommageables à l'humaine qui le surmonte, vu la charge énorme qu'ils portent en général et le fait qu'ils sont "cassés" tout petits, pour ne pas broncher. Ceci explique cela. Hélas dirais-je pour les ânes, mulets et chevaux de ces pays-là. Dans les campagnes d'ici, il y a peu (et, dirais-je, encore de nos jours hélas), la brutalité était de mise pour "mettre au pas" les chevaux de travail, les ânes et tous les "tracteurs" à 4 sabots, équins ou bovins. Ajouté au fait que ce n'étaient pas des chevaux de sang, craindre la brutalité coutumière les incitait à rester tranquilles.

Martine Daviau

et une autre amazone......

je mets mon grain de sel dans votre discussion passionnante pour signaler qu'il y a encore en Corse aujourd'hui encore, des femmes qui montent mules et ânes sur des selles de bats pour aller au marché : la Corse est un pays très montagneux et ces mules ont le pied plus sur que des chevaux. En Castagniccia, foret de châtaigniers au sud de Bastia dont la famille de mon mari (Orsoni) est originaire, il y a un centre equestre qui prétendait faire des promenades à cheval : après 2 accidents dont un mortel, les chevaux ont tous été remplacés par des mules comme autrefois.... les sentiers sont étroits et pierreux, les pentes assez vertigineuses, les chevaux sont mal adaptés à ces régions. Sur l'étiquette de la bouteille d'eau minérale d' Orezza en Castagniccia Corse : une femme en amazone à dos de mule : l'impératrice Eugénie venait souvent y prendre les eaux...j'ai d'ailleurs l'intention de remettre cette merveilleuse randonnées au goût du jour et de convier mes amies amazones en Corse pour un séjour équestre à dos de mule en amazone, à travers la foret de Castagniccia et autres sentiers magique de Corse... si le coeur vous en dit j'organise cela quand vous voulez...
Béatrice Orsoni

 

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