QUAND LES ANIMAUX DEVIENNENT DES ANTI-DEPRESSEURS
OU L'ANIMAL AU SECOURS DE L'HUMAIN
La vie moderne veut que l'on court sans cesse après le temps. Ce temps qui nous fuit et que nous arrivons si rarement à rattraper pour poser un peu nos valises.
Les animaux ne sont pas sous l'influence du temps qui passe, sauf ceux qui travaillent comme nos chevaux de club, où là leur temps est compté et rentabilisé, et le seul moment où nous les laissons libres, ils ne rêvent que de prairies verdoyantes et de bonne herbe fondante sous la dent, cette herbe si vertueuse, remplacée lamentablement par des granulés fades, collants, étouffants et si vite mangés.
Cette course sans fin, amène son lot de stress et de contrariétés bien plus que de joie et de sérénité.
Essoufflé et mal dans notre peau, combien d'entre nous ont recourt à
la médecine pour arriver à tenir le coup, la déprime nous
guette, et comme un cancer elle nous ronge le cerveau.
Vu que nous prenons de moins en moins le temps de souffler comme le faisaient
nos anciens, il faut arriver et surtout se convaincre de trouver un moyen autre
que les médocs pour recharger nos batteries morales et du coup physiques.
J'ai eu de vilains coups durs dans ma vie, comme tout le monde, mais j'ai eu
la très grande chance d'avoir une passion que nous partageons tous, le
cheval.
Evidemment qui dit être vivant, dit aussi soucis et joies. Les soucis
qu'apportent un animal sont essentiellement sa santé et sa mort.
Je vais donc vous livrer mon secret, après une journée de travail,
qui commence le matin par la pitance des bestioles de la maison et l'entretien
minimum pour qu'ils passent tous une bonne journée, on passe à
sa propre toilette et on boit son thé sur un coin de table. On attaque
ensuite le trajet en voiture dans la faune humaine des dingues du volant, la
course contre la montre débute par le lycée pour déposer
les filles, puis trouver à se garer, pendant la journée à
répéter 10 ou 20 fois la même chose, je travaille avec les
personnes âgées qui suivent des cours dans une université
pour elles. Comme tous les boulots, on fait, on refait, on court, on saute le
repas de midi, on court encore, et à la fin de journée, on saute
dans la voiture pour récupérer les filles et on remonte à
la maison, où nous attendent gentiment, ménage, lessive, repassage,
cuisine etc. avec en prime les chats, chiens et chevaux qui ont faim de câlins
comme de nourriture.
C'est presque en apnée que vient l'herbe du foin, que ce soit à
l'écurie ou dans l'abri, voici le moment privilégié de
la journée, le moment qui va stopper cette course sans fin, le moment
de souffler et de vivre tout simplement.
Une fois la ration distribuée, je me cale dans le fond de l'abri, accroupie dos au mur, et j'écoute . Les "mandibules" . ?? Non un cheval n'a pas de mandibules mais j'aime ce terme, car le bruit des mâchoires écrasant le foin, avec régularité, calme est un puissant antidépresseur, on entend tout le simple bonheur de manger de deux êtres puissants, calmes et sereins, ils sont heureux et vous communiquent leur joie si vous prenez le temps d'écouter, l'odeur du foin, mélangé à celui du crottin chaud, c'est idiot pour le commun des mortels, pour moi, c'est tout simplement que tout fonctionne bien et ça sent bon, ça sent la paix. Je m'enivre de ce calme et de cette chaleur car à 3 m en dehors de l'abri, il fait froid, il fait nuit, et là sur un bon matelas de fumier recouvert de belle paille craquante, le temps s'arrête, le temps respire, et vous vous laissez prendre par ce don du ciel, tout ce qui se bousculait dans votre tête est resté dehors, ici il n'y a que vous, vos chevaux, voir les chiens qui eux aussi se couchent et dorment, pas de bruit, juste le chant des mandibules c'est . Du bonheur !!
Il faut reconnaître à ce chant des vertus thérapeutiques.
Un jour d'orage, nous étions en promenade avec deux autres chevaux Frac
et Cadix et ces chevaux pourtant si calmes et de vrais routiers de la rando,
ont prit peur de la foudre, il nous fallait absolument passer sous une ligne
à haute tension pour rejoindre l'écurie. Tout le monde était
tendu, l'orage fondait sur nous et il fallait faire vite, passer coûte
que coûte cette ligne. Les chevaux ont pris l'initiative du galop, un
galop fou, la campagne était vide à croire que nous étions
les seuls idiots à s'être aventuré dehors avec au départ
un grand soleil.
Une pluie battante nous empêchait de voir où nous posions les sabots,
couché sur les encolures nos vies étaient vraiment dans nos montures.
Frac et Cadix passent sous la ligne alors que la foudre tombe sur un frêne
tout près, je claque des dents de peur.
On voit une toute petite grange en pierre qui tombe en ruine, les chevaux se
dirigent sur elle, La porte est assez grande pour laisser passer un mulet mais
nos deux gros une fois à terre, nous suivent sans aucun soucis, c'est
minuscule, il y a du vieux foin et de la paille au sol, on tient tous les 4
dedans, tout le monde tremble. Dehors ça pète fort
c'est
la fin du monde !!!
Doucement nos cavales reprennent leur sens de bon goût et commence à
attaquer le foin
Le doux chant des " mandibules " est de retour, en moins de 5 minutes,
les tremblements et les dents qui claquent disparaissent
. On s'assoie
dans le foin, les chevaux sont débridés afin de les libérer
du mors, personne ne cherche à sortir, on se calme, on revit, trempé
mais heureux. Impossible de savoir combien de temps nous sommes restés
ainsi bercé par la mastication de nos chevaux.
La pluie cesse et c'est presque à regret que l'on reprend le chemin du
retour, en ayant pris soin d'enlever les deux crottins fumant laissés
en hommage au bon foin accueillant.
Une autre idée de ce qu'apporte ce chant si particulier.
La colique, cette ignoble chose qui nous tombe dessus ou plutôt qui tombe
sur notre cheval et qui essaye de nous l'enlever
La colique qui est toujours un moment dramatique de la vie d'un cheval, car
c'est une lutte contre la montre et pour la vie. Ces 22 mètres de boyaux
qui nous causent autant de soucis et de douleur pour notre compagnon, sont les
pires ennemis du cheval. Ca se bouche, ça se tord, ça se coince
et on ne sait jamais si on va le sortir de là. Toute la batterie du vétérinaire
y passe, après des moments d'angoisse, de cur qui bat la chamade,
de vos propres boyaux qui se liquéfient. Enfin la tempête qui avait
investi le ventre de votre cheval se calme, s'apaise et disparaît. Lui
revient d'un autre monde rempli de douleur, de sueur, de tremblement, de peur,
avec son regard qui s'accroche à vous pour comprendre, pour demander
votre aide. Enfin le calme revient, la première chose qu'il fait c'est
grignoter son foin, et le revoilà ce doux chant, qui apaise enfin votre
cur, votre stress s'en va en même temps qu'arrive le crottin tant
chéri, on se laisse glisser au sol, on sent le souffle tiède du
cheval sur le visage et on se laisse bercer par notre chant favori " des
mandibules "
Que ceux qui n'ont pas de cheval, ne pensent pas qu'ils n'ont pas droit eux
aussi à cet instant magique qui permet de dépasser la fatigue,
la peur ou le chagrin.
Toujours le même scénario, journée harassante, gens odieux
voir méchants, on rentre crevé et avec un goût amer de la
vie.
C'est l'été, les chevaux on les voit au fond du pré, heureux,
pas le courage de monter la colline.
On s'installe sur le canapé, télé en marche, non non le
doux chant ce n'est certainement pas cette boite à idiotie ! elle fonctionne
juste par habitude, on prend la couverture et un bon coussin, on écoute
sans écouter dans l'attente
Les voilà qui arrivent, lentement, souplement, ici elles sont au nombre
de 3 : Sam, Pepsie et Rixie.
Chacune son morceau d'humain, vous, vous n'avez pas droit de discuter leurs
idées.
Sam (dit le raton laveur ou la marmotte) est la plus âgée, elle
s'installe dans le creux de vos genoux avec ses 7kg c'est mieux. Pepsie de la
table du salon à 20 cm de votre nez, fait de la télépathie
pour que la couverture s'ouvre et qu'elle s'installe dessous au chaud et contre
votre ventre. Rixie quant à elle, vient compléter le tableau en
se posant sur mon bassin, qu'elle aura bien attendri avec sa danse de chat.
Puis leur doux chant, monte de chat boule de poils, le ronronnement du trio
et la chaleur de leur corps font que vous sombrez dans un sommeil réparateur
mieux que n'importe quel somnifère, avec en prime l'impossibilité
de vous relever sans déclencher la guerre car je n'oublie pas que c'est
moi qui appartiens aux chats et non l'inverse. Il serait agréable de
croire que lorsqu'elles viennent se frotter à vous c'est par amour, que
nennie c'est uniquement pour mettre leur odeur sur vous afin que les autres
chats sachent que vous avez déjà des propriétaires.
Donc qu'il soit cheval, chien, chat, l'animal a un pouvoir magique celui de vivre pour vivre et de se contenter de ce qu'il a à manger, à boire, dormir, jouer. Nous qui nous disons si intelligents avons créé nos propres maux et malheurs, puisons chez nos compagnons l'énergie positive qu'ils dégagent pour reprendre notre souffle et essayer de vivre plus sereinement.
Depuis ma crise de sciatique paralysante, j'ai toujours au minimum une chatte avec moi, dès que je suis allongée. Meilleures infirmières, y a pas !!!