EL GATO FAIT DU CINÉMA

Oh ! c'était il y a longtemps. 1986 dirait Marie. Moi je me souviens que j'étais jeune et fringant et qu'un jour, ont débarqué des hommes et des femmes avec de drôles de choses. L'un d'eux avait un gros pompon poilu au bout d'une grande branche. Je ne sais pas quelle bestiole c'était mais il devait être mort, ça ne bougeait pas son truc, un pêcheur sans doute. Un autre se promenait avec deux énormes lampes rondes qui m'éblouissaient et faisaient de grandes ombres qui me montraient des fantômes sur les murs, moi j'avais très peur. Un autre avait une sorte de grosse boite qui ronronnait mais c'était pas un chat et une dame avait une valise, elle mettait plein de peinture sur le visage d'une jolie jeune femme....

Faut que je vous explique, Marie avait comme amie Fabienne qui devait passer un examen cinéma, donc elle devait tourner une fiction et cela s'appelle un court métrage... bon c'est Marie qui l'écrit car moi, j'étais le héros... mais j'ai pas tout compris, je suis un cheval quand même.

Non ! pas cheval de cascade à me rouler dans la fange ou m'envoyer en l'air ou pire à casser la figure devant tout le monde... trop dangereux tout ça !

Non ! je n'étais pas non plus la fière monture d'un chevalier ou d'une "amazone"... je blague, mais c'est vrai, personne ne devait me monter.

Pas de rôle style Jolly Jumper ou de cheval qui parle...comme si ça pouvait exister ça !!!

MOI, j'étais la réincarnation d'un homme.... là j'ai toujours pas tout compris, Marie explique : c'est l'histoire d'un jeune officier qui meurt au court d'une bataille et qui se réincarne dans un étalon "MOI", et sa fiancée le cherche et lui déclare son amour... le tout dans un vieux fort abandonné...

FORT DE COMBOIRE 38

Il fallait donc un beau cheval, fier, brillant, léger et ... intelligent ... "MOI"!

Ce qui a été difficile, c'était les longs moments où la machine qui ronronnait, marchait. Fallait faire SILENCE, ne pas bouger, écouter les longs mais longs monologues de ma fiancée, qui entre nous avait peur de moi, oubliait son texte dès que j'osais m'ébrouer, ça m'amusait moi, et flop un peu de bruine sur la caméra ou dans les cheveux de la dame, car MOI je m'ennuyais dur... pas de de petits "pets équins" et encore moins le droit au crottin, j'ai beau avoir une bonne éducation mais mes intestins sont comme moi, primaires... donc.... il y avait un monsieur avec pelle et balai juste pour moi.

Simple tout ça, tu parles !!! sûre que j'ai pas mouillé le poils mais je leur en ai fait voir... car pour eux ma Marie ne devait pas être dans le film et moi ma Marie, je la voulais partout... pas de Marie ... pas de Gato...non mais !!

J'ai d'abord j'ai eu droit à un pansage magistral comme Marie adore les faire et que je déteste, plus brillant que moi, ça n'existait pas.

Après, il a fallu que j'apprenne à marcher tout seul dans les grands couloirs tout noir du Fort, le monsieur qui tenait bestiole crevée au bout de sa perche, me suivait partout. C'était un preneur de son, il a enregistré mes pas, mon trot, et ma voix... pour la voix .... il m'ont laissé dans le couloir et Marie s'est caché... au bout de 3 hennissements tout le monde était dehors et moi j'étais fou furieux, seul, attaché, avec l'autre et son rat crevé et dans le noir... et avec la "résonance" on m'a entendu jusqu'à la lune... vous savez qu'un cheval peut hurler à la mort...

Le Monsieur à la bestiole était content, mais les autres ont promis de ne plus me laisser seul... c'est à dire que je devais rester avec ces gens que je ne connaissais pas et sans ... Marie. Ça c'était mal me connaître, moi j'ai pas voulu tout ça... alors...

Le moment, le plus long et le plus difficile arrive donc, la déclaration d'amour... seul avec ma fiancée, tu parles, on était plus de 10, je devais faire le beau et l'écouter... Seul moi, je l'étais vraiment, pas de pote cheval et pas de Marie donc adieu la compagnie, je m'en vais, comme ils avaient tous peur de moi, ouais j'avoue que je jouais parfaitement mon rôle d'étalon, et bien ils me lâchaient après quelques mimiques très persuasives et impossible pour eux de filmer leur scène...

Ils y sont arrivés mais, ma Marie était là, il a fallu lui trouver une place près de moi sans être dans le champ de la caméra... Ça n'a pas été facile mais bon, la seule place était entre mes postérieurs, caché par ma queue... Pendant que ma belle fiancée déclamait sa prose, ma Marie me gratouillait les jambes, tirait un peu sur ma queue, me montrait qu'elle était là.

Heureusement, je n'avais pas trop de scène à faire, la dernière était la plus rigolote, je devais partir sur le toit du Fort de Comboire, c'est un fort enterré qui nous servait à l'époque d'écurie, tous les copains avaient été cachés à l'extérieur et moi je devais laisser ma fiancée pleurante et partir au loin.
La première fois, je suis parti à fond les gamelles... du coup "COUPEZ!"

J'ai jamais su ce que ça voulait dire mais entre SILENCE et COUPEZ ils m'ont donné mal à la tête et à chaque fois fallait tout refaire.

Le deuxième départ... ben je ne suis pas parti, Marie était derrière la caméra et je suis allé droit dessus... COUPEZ et re !

La troisième fois, ils m'ont fait une blague, tout le long de mon parcours, il y avait une copine de Marie cachée derrière un tonneau ou un tas de pierre, elle m'appelait, donc j'y suis allé doucement et quand je voyais que ce n'était pas elle, une autre voix m'appelait plus loin ... à la troisième, c'était ma Marie et encore COUPEZ avec "c'est bon c'est dans la boite..."

Qu'est ce qu'ils sont compliqués ces humains quand même... je ne sais même pas si le film a eu un César, moi j'ai eu des tas de carottes et ça, c'était chouette, toute l'équipe a voulu faire des photos avec moi...

Donc je suis une star, mais je n'ai jamais eu la grosse tête, j'étais bien content de voir revenir tous les copains à l'écurie, eux aussi n'ont rien compris à cette histoire bien humaine.