L'HIVER 2000

Que ceux qui ne connaissent pas cette chose horrible, toute blanche, glaciale qui tombe du ciel à la place de la pluie, ne connaissent pas leur bonheur.

Je suis du Sud, moi et j'aime le soleil. La première fois que c'est arrivé, j'étais dans un club, cela faisait 3 mois que j'étais entré dans ma nouvelle famille qui était aux petits soins pour moi. J'avais beaucoup de copains au club. Faut dire que ce n'était pas un club comme les autres, on pouvait tous se toucher, les boxes n'étaient pas complètement fermés et on pouvait passer l'encolure chez le voisin tranquillement. C'était un ancien fort, transformé en écurie ; nous étions une bonne cinquantaine, chevaux et poneys plus Léon. Léon, c'était mon premier copain, Mémère (c'est la dame gentille, vous vous souvenez, et Pépère c'est ....vous avez gagné, c'est le monsieur) alors je disais donc Mémère a ramené un jour, un petit âne gris de Provence ; les gens qui l'avaient, voulaient en faire du saucisson, je ne sais pas ce que sais mais Léon, lui, m'a fait un dessin, car il avait 25 ans et en avait vu des choses belles et pas belles que les humains font. Moi, j'étais en pleine adolescence, et j'ignorais beaucoup de choses du monde des "2 jambes". Après de bons et loyaux services, on devait le manger, pas nous mais les humains, c'est fou ! Non ????

 

Mémère et une copine à elle étaient là au bon moment, et Léon est arrivé à Comboire, grâce à la solidarité de tous sa pension était très petite, la copine qui habitait loin, la payait et Mémère le soignait, et le bichonnait comme moi sauf que lui elle ne lui apprenait pas des choses en longe ou monter. Il avait un truc, dès qu'elle se mettait sur son dos Léon ne bougeait plus, même avec un feu sous les fesses, il n'aurait pas bougé ; elle, elle riait. C'est pas juste, moi je pense qu'avec ses 25 ans et son regard perdu, il était bon comédien.

Bref, un soir les portes se ferment comme tous les soirs mais au matin, que vois-je ? tout est blanc, mais blanc , blanc, c'est fou ! Mémère passait tous les matins me voir avant d'aller au travail et après avoir amené Amélie chez ses grands parents. Devant mon air mi-figue mi-raisin, comme disent les humains, faut dire que j'étais tout chose, et les autres qui mangeaient leur foin, moi je ne pouvais pas, je devais savoir ce que c'était ce truc.

Elle a compris, et m'a sorti de mon box, j'en avais jusqu'aux genoux, c'était froid ; et ben moi , j'ai pas aimé, mais alors pas du tout, je suis parti ventre à terre, Mémère a lâché la longe, ça n'avait pas l'air de lui faire peur à elle. Mais se rendait-elle compte que l'herbe, mon herbe avait disparu ? Comme un fou, j'ai rué, creusé, roulé, gratté, pour retrouver mon herbe, ......je me suis retrouvé tout bête, trempé, la jolie cour toute lisse changée en champ de bataille mais pas d'herbe, il y avait trop de cette chose, la neige et attendez c'est que le ciel continuait à se vider, un cauchemar, et maintenant j'ai froid. Mémère n'est pas allée travailler et a passé un bon moment à me calmer et à me bouchonner jusqu'à ce que je me mette à manger. Moi, j'étais en colère et à la prochaine sortie, je l'écrase, je la pietine.....Ca n'a jamais marché......elle est toujours revenue, toutes les années aux moments des papillottes, seule joie de cette affreuse saison. Et les autres, vous me croirez si vous voulez mais j'avais des copains et des copines qui aimaient ça...des fadas!!!

Avec la neige, le froid, autre joie : le gel, au club l'eau gelait et donner à boire à 50 chevaux au seau, sachant que l'on boit en moyenne 40 l, je les ai vu les "nanas" je dis les nanas, c'était un groupe de dames très jeunes qui s'occupaient de nous avec Mémère et Nanou la responsable des écuries ; les hommes, il n'y en avait que 2, Pépère et un monsieur en uniforme. Les autres hommes avaient bien des chevaux, mais ils ne s'en occupaient qu'en été, le reste du temps, ils devaient rester des mois au box. Heureusement, il y avait les nanas, elles en faisaient des choses pour nous. Une fois, il y avait tellement de neige, toute la journée elle était tombée. Un silence de plomb était tombé sur les écuries, on se faisait du souci les copains et moi car pas de bruit de voiture, et la nuit qui allait bien venir. Quand .....qui voilà??? avec de longues planches au pied, ma Mémère et mon Pépère puis quelques minutes après deux autres Nanas et pour finir les gendarmes avec leur lumière qui tourne et Nanou dans la grosse voiture 4X4. Des hennissements de partout, bizarre ça fait pleurer Mémère, grosses rations, seaux d'eau, et gros calins à tous. Ils sont repartis dans la nuit, Mémère m'a dit le lendemain, qu'elle avait eu très peur de faire du ski dans la nuit, même si son mari était avec elle. Je sais qu'elle ne m'abandonnera jamais.

La carrière était tellement gelée qu'on ne pouvait rien faire que jouer comme sur la photo.

Puis, je suis parti, j'ai vécu en plaine chez un paysan pendant 2 années et je suis arrivé à la maison à 700 m. Je les ai montés à sabots alors je les ai bien sentis. J'étais très content de vivre enfin avec ceux que j'aimais. C'était le mois de mai, tout était vert et beau. Mais voilà, quel pays ! elle était encore là, et elle est tombée, tombée pire que tout ce j'avais vu. Même les voitures n'ont plus pu arriver jusqu'à la maison. Moi, les voitures je m'en moque mais les carottes, l'orge qui étaient dedans, on fait quoi, et les petites, maintenant il y avait Audrey, elle ne pouvait même pas marcher dans la neige, il y en avait plus haut qu'elle. 3 semaines, pendant 3 semaines, elle est tombée.

 

 

Comme d'habitude, j'ai commencé par la colère et j'ai pietiné tout le jardin, puis je suis tombé dans le désespoir et pour finir la honte. Je ne veux pas que Mémère vous montre les photos suivantes mais elle y tient, ne riez pas, ......et oui, moi cheval de selle, étalon (ben oui, dans ma tête ça sera toujours comme ça), bientôt champion de dressage, je suis devenu pour le bien de ma petite famille, cheval de bât, et cheval du Pére Noël, Mamy et Papy étaient venus pour la fête des papillottes, ils m'ont dit qu'un vieux monsieur barbu était en panne avec ses rennes, (a t'on idée aussi des bêtes à cornes, c'est pas très....) bref, voilà pas que l'on me colle sur le dos tous les paquets pour les petites.

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Mémère tient à montrer les photos, alors moi je vais raconter l'histoire après tout, on peut en rire

Pour une fois que Mémère était en jupe, moi j'ai pas raté l'occasion. Le premier voyage, c'est à dire les 200 m de notre chemin enneigé, ça c'est bien passé mais pour le deuxième, mes voisins Crin-Blanc et Caline m'ont vu.....la honte ? ils sont partis au grand galop en rigolant, leur parc longeant le chemin, j'ai pas cherché à comprendre, j'ai suivi....Mémère aussi...en luge....sur le ventre....et en jupe mais elle n' a pas laché la longe. J'ai semé les cadeaux tout le long de chemin, mais pas Mémère, arrivée devant la maison, à la tête qu'elle faisait glup!! C'était Noël, mais je n'ai eu que mes papillottes le lendemain ainsi que mon mashe....je crois qu'elle était très fâchée surtout que tout le reste de la famille était hilare.

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J'ai partagé mon premier hiver à la maison avec Charlotte, j'avais horreur de la voir faire de la luge sur les congères, c'était une dingue de la neige, elle adorait ça. Comme ma deuxième compagne Cheyenne qui se vautrait dedans avec une joie à peine cachée, la folle. Aujourd'hui, je suis avec Hidalgo, espagnol ayant vécu encore plus au Sud que moi. Un soir, l'hiver dernier, j'ai senti dans l'air la neige, et au matin quand les volets des boxes se sont ouverts, la tête de mon ami !...Chouette, enfin un qui est comme moi, il ne savait pas ce que c'était, il n'osait pas marcher dessus, et le gel, il glissait de tous bords, il restait figé comme une statue, Mémère a eu la bonne idée de nous enlever nos chaussures, les fers bien sûr. Là Hidalgo, a retrouvé un peu de confiance, plus de talonnettes, et puis je lui ai expliqué que cela ne servait à rien de tout pietiner comme un fou et qu'on n'avait plus à s'amuser. De toute manière, Mémère nous rentrera dès que le soleil sera passé.

Parait que cela se voit sur ma tête que j'aime pas la neige et l'hiver. Vous croyez ???

Ben moi en hiver, je deviens jaune !

On aide comme on peut, au début je tirais la luge avec Audrey dessus. Aujourd'hui, je fais du ski jöring, faudrait qu'ils arrêtent de regarder la télé, moi je vous le dis ! et pourquoi pas des patins à glace pour chevaux ???

UNE JOURNEE D'HIVER

Il fait mauvais (la pluie ou la neige tombe)

 

Mémère se lève vers 5 heures, elle nous reveille en allumant les lumières, elle nettoie les boxes en enlevant les crottins puis nous donne le foin, nous avons du foin à volonté. Elle le met sur le sol propre, pour qu'on ne respire pas la poussière, il y en a peu mais c'est une maniaque. Elle repaille puis contrôle l'eau, hélas il a gelé cette nuit malgré les volets des boxes qui étaient fermés. La voilà qui porte seau après seau, nous nous savons qu'on ne va pas la revoir avant quelques heures alors on boit et elle nous laisse un seau plein pour la matinée. Elle retourne à la maison, pour préparer les filles et elle part emmener Amélie et Audrey puis va à son travail.

De retour vers 15 h ou 18 h selon les jours, elle nous fait sortir dans le rond de longe, là elle nous laisse jouer pendant qu'elle cure les boxes et prépare la ration du soir. Si on ne bouge pas, elle nous gronde, c'est vrai, il fait froid et quand on est dehors, c'est pour faire circuler le sang dans nos membres, alors le bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles, elle se met au centre du rond et nous fait tourner en liberté. Juste le fait d'être au milieu, nous on se met au trot ou au galop. C'est vrai que le fait de trotter ça réchauffe, notre jeu, c'est que celui qui est derrière, mord celui de devant. Comme à chaque changement de main, c'est chacun notre tour, quand on commence à faire vraiment les fous, elle nous appelle vers elle, elle a toujours un petit quelque chose alors on vient et on oublie nos chamailleries. En général, cela dur 10 à 15 mn, avant que nous nous mettions à transpirer.

Puis elle nous rentre et nous bouchonne, n'oubliez pas qu'on fait cela lorsqu'il pleut ou qu'il neige. Elle ferme les volets pour que nous n'ayons pas froid. Le Dimanche, on sait quand c'est dimanche, car c'est moi qui la reveille en hennissant, vers les 8 h, paraît que dans les livres, ils disent qu'il faut que l'on mange à heure précise, moi quand je suis dans mon parc, je mange quand je veux et j'ai cette habitude, je sais que j'aurai toujours mon picotin. Leur chambre est sous le toit de la maison et j'entends quand ils commencent à bouger alors j'appelle Mémère passe sa tête par le velux et me fait coucou. Le foin va bientôt être servi puis ce soir, nous aurons notre mashe tiède...hum quelle merveille !!

Il fait beau (soit le parc est boueux soit il y a de la neige)

C'est à 6 h, que Mémère nous réveille et nous sort encore dans la nuit pour aller dans le parc. Notre parc d'été est largement diminué pendant la mauvaise saison, il faut que l'herbe repousse mais la raison principale du montage d'un padock électrique sur les 7 000 m2 est dû aux chasseurs. C'est pour nous protéger, nous sommes tout près de la maison, juste séparé par le chemin. Mémère a beau essayé de nous protéger des "dingues au fusil" nous avons pris du plomb, j'en ai dans l'encolure, cela fait des boules....ici ils sont méchants. Pépère a construit un ratelier avec deux barrières et comme je faisais des misères à Hidalgo, parce que je ne voulais pas qu'il s'en approche et bien elle a fait deux oreilles de 3 m chacune avec des piquets et un fil électrique relié au fil du parc, du coup chacun à son côté. C'est une maline Mémère....mais entre nous elle a peut-être raison car je l'aime bien moi Hidalgo, mais c'est quand même moi le chef ...non !!

Quand il fait trop froid, on reste 4 à 5 heures, d'ailleurs on galope comme des fous, dès que le soleil a disparu, elle nous rentre . Nous dormons toujours au box de septembre à mai. Il arrive qu'elle ne se rende pas compte qu'il fait trop froid ou qu'il commence à pleuvoir, un bon coup de hennissement.

La voilà qui sort et court nous ouvrir le parc. Sans attache, je rentre le premier, Hidalgo me suit toujours et hop tout le monde au sec ! Entre nous, je l'aime ma Mémère et Hidalgo qui avait connu tellement d'humains méchants, s'est mis lui aussi à l'aimer.

Pour l'an 2001, je souhaite à tous les chevaux d'avoir une Mémère ou un Pépère comme les nôtres.