LETTRE D'UN VIEUX CHEVAL MOMOK


Tu dis toujours que je n'ai qu'une petite noisette dans la tête et ça te met en colère, mais ma pauvre comment veux-tu que je sois intelligent ? On ne m'a pas fabriqué pour ça tu le sais bien !

Au contraire, un cheval plus c'est bête et plus ça obéît, plus ça saute, et plus ça courre vite. Et justement moi c'est ça qu'on me demandait, courrir plus vite que les autres sans chercher à comprendre.

Alors bien sur des fois ça me reprend, je file droit devant moi, sans savoir où je vais, sans me soucier du danger.

Mais aussi vous les hommes vous êtes un peu illogiques, vous voulez des mécaniques bien huillées, bien dociles, mais qui soient aussi capables de prendre des initiatives en cas de problème.

Que veux tu, nous on a appris à se soumettre quoiqu'il arrive. Et même le jour où on nous fait monter dans la bétaillère rouge et blanche on y va confiants, croyant à un nouveau concours, une course ou peut être une ballade !

Bien sur, ce trou au milieu du pré où tu galopais, je l'avais vu, mais je croyais justement que c'est là que tu voulais aller. J'ai bien essayé de le sauter, mais il était trop large !

Bon d'accord, t'as pris une bonne gamelle, et tes sacoches étaient toutes écrabouillées. Mais pardonne moi, je ne l'ai pas fait exprès.

Je ne te promets pas que demain je ne vais pas recommencer ! Tu sais que ce ne serait pas vrai.

Alors prends moi comme je suis et sois patiente. Moi aussi je fais des efforts pour essayer de te comprendre.

Souviens toi avant, quand tu arrivais dans le prés avec ton licol, je savais bien que c'était pour me monter que tu venais me chercher, alors je me cachais parmis les autres chevaux, ou je me sauvais à l'autre bout du champ.

Maintenant le licol pour moi c'est synonyme d' "aller manger la soupe", je ne le fuis plus, au contraire je viens à ta rencontre, des fois même c'est moi qui t'appelle.

tu sais ma vie a changer si souvent qu'il me faudra un certain temps pour m'adapter. Je serais toujours un peu méfiant, je n'y peux rien.

Tu vois bien quand même que j'ai un peu confiance en toi. Regardes quand le véto vient me faire mes vaccins, la dernière fois je me suis tellement débattu que j'ai tordu l'aiguille. Mais quand c'est toi, qui n'es pourtant pas très dégourdie et qui me fait mal, je ne dis rien.

Mais il ne faut pas t'attendre à ce que je te fasse des démonstrations d'amitiés et des calins comme Pluchon, ta vieille mascotte. Chaque fois que tu lèveras la main vers moi j'aurai un geste de recul, je m'attend si peu à être carressé, et je dois même t'avouer que ton contact ne m'est pas très agréable. Je ne recherche pas ta compagnie, sauf pour des raisons alimentaires.

Ton vieux cheval lui, il te connais depuis si longtemps. Il a presque toujours vécu avec toi depuis 20 ans, et il sais que tu ne l'embête jamais. Ce gros fainéant, n'a travaillé que tois ans dans sa vie. Pour lui les hommes sont des copains qui donnent du sucre et des caresses, qui soignent les petits bobos. Il a presque toujours été aimé pour lui même et pas pour ce qu'il pouvait faire ou rapporter, alors forcément !

Pour moi c'est différent, on m'a toujours traité comme une machine. Bien nourrie, bien logée, pour le rendement, mais pas d'affection ni de respect. Pour moi les hommes ne sont que des maîtres à qui il faut obéïr sous peine de punition.

Un jour peut être, par habitude, je commencerai à t'aimer. Quand je serais bien vieux et que j'aurai oublié "avant" ......

 

MOMOK