Le Re-dressage de Filoselle (12)

 

J'ai encore beaucoup tardé à vous apporter cette suite, je vous dirai pourquoi tout à l'heure. Ceci aurait dû être écrit et communiqué l'été dernier, à l'époque des photos.
Naturellement, je m'étais réconciliée avec Filoselle, en lui apprenant, avec toutes les étapes intermédiaires nécessaires, que monter dans un camion n'était pas effrayant et pouvait même comporter des avantages, comme celui de trouver un mash délicieux dans la mangeoire du van.
Et nous avons continué à travailler. Une visite chez mon ami Eric ainsi que des discussions avec Julie, m'avaient poussée à faire travailler l'arrière-main, mieux et plus, pour l'assouplir, pour la faire venir sous la masse.
On sait que c'est la base de tout, oui, on le sait, mais en est-on assez convaincu pour en tirer véritablement le meilleur parti possible ? S'y exerce-t-on assez ?

Chasser les hanches sur la volte et, complément, épaules en dedans sur la volte, à la suite de quoi les pirouettes deviennent toutes simples et, du coup, les départs au galop " justes ". Il faut mettre cet adjectif entre guillemets, car c'est l'un des plus précieux : obtenir quelque chose de juste. Ni hésitant, ni contraint, ni arraché, mais juste, ce qui implique que ce soit simple et facile.

Qui dit abaissement des hanches dit de facto
relèvement du bout de devant. Filo a commencé
à moins plonger. Et qui dit assouplissement
des hanches dit aussi amplitude des croisements.
Les deux appuyers ci-dessous ne plairaient pas
à des juges de dressage, le pli dans le sens du
mouvement n'est pas assez marqué et les hanches
sont un peu trop diligentes par rapport aux épaules

Eric Augereau sur Tchekhov


Appuyer à droite

 

Appuyer à gauche


J'assume. Ce sont deux moments de travail et d'assouplissement et non des mouvements de présentation en concours. Mais, justement, on voit le résultat du travail sur l'arrière-main.
J'ai aussi - ce n'est pas une trouvaille, je ne vous la communique pas comme telle - beaucoup travaillé les changements d'allure et les transitions à l'intérieur de la même allure. Filoselle n'était pas habituée à cela. En bonne fille mécanisée par les reprises orthodoxes, elle savait passer à une allure allongée à partir d'un bon trot, d'un bon galop (ceux que les juges considèrent abusivement comme le trot et le galop de travail), mais si on lui demandait de reprendre le trot ou le galop initial, elle repassait au pas.
En exploitant mes observations - notamment que montée en amazone et les rênes dans la seule main gauche, Filoselle était presque vierge de réactions réflexes -, j'avais bien mis en place les transitions pas allongé-pas de travail (presque pas d'école) en faisant alterner souplesse et tonicité des reins. Je me suis donc astreinte, avec les mêmes moyens, à obtenir de petits débuts, des ombres de soupçons de commencement de rassembler qui se manifestèrent d'abord par un peu moins d'amplitude dans les allures allongées, puis peu à peu par de vraies transitions rétrogrades à l'intérieur de l'allure.

 


Limiter l'amplitude

Reprendre dans les reins
Il va sans dire que l'assouplissement des hanches
dont je parlais ci-dessus a facilité ce progrès.
Un autre procédé - je répète que ce n'est pas une
découverte ! - pour, à défaut de faire venir
vraiment les postérieurs sous la masse, du moins

faire abaisser les hanches, consiste à alterner trot et reculer, avec, si possible, peu de temps d'arrêt, pour rester dans le rythme de la diagonalisation commune aux deux allures.
A la suite de quoi, tout naturellement, après un petit temps de pas espagnol pour faire lever les antérieurs, la transition répétée trot-reculer


Un peu de pas espagnol

Reculer pour abaisser les hanches

et maintien de la diagonalisation avec impulsion renforcée par l'assiette, on arrive à la béatitude du piaffer. Ce fut une béatitude pour moi. " Petit piaffer ", m'a dit un cavalier, " piaffer juste ", dit Eric. J'espère qu'Eric n'a pas tort, je pense que l'autre cavalier n'a pas tort non plus. Quoi qu'il en soit : ni hésitant, ni contraint, ni arraché, mais calme, simple, facile.

L'air du piaffer n'est pas un aboutissement, c'est presque un début. A partir de là, on peut commencer à composer quelque chose d'harmonieux, à partir de là il y a tout à retravailler.

Mais ce bulletin est le dernier que je vous impose. En effet, j'ai lu sur le site que certaines d'entre vous trouvaient mes feuilletons ennuyeux et, franchement, cela m'a démotivée pour vous écrire. J'ai une trop grande expérience d'élève et de pédagogue pour ignorer que si l'élève ne suit pas, c'est que le prof s'y prend mal. Je m'y suis donc mal prise, veuillez m'en excuser, je fais amende honorable et je vous tire ma révérence.
Je me permets cependant de vous redire le message principal que j'aurais voulu vous transmettre : Sachez que tout ce que vous faites avec votre cheval s'inscrit de façon indélébile en lui. Si vous répétez une action, il croira évidemment qu'il doit, lui, répéter sa réponse et si cette action est erronée ou fâcheuse, il sera très difficile, voire impossible de lui faire comprendre par la suite qu'il doit changer sa réponse. Enfin, s'il vous plait, ne dites jamais " Il ne veut pas ", essayez de comprendre pourquoi vous ne vous comprenez pas. Dites-vous qu'il est beaucoup plus conséquent que vous ne l'êtes et qu'il répond sans doute à une infime indication que vous n'avez pas même conscience de lui avoir donnée. Heureusement, en amazone, on est moins susceptible d'envoyer des indications parasites qu'on ne l'est avec deux lourdes jambes, raides, manquant de raffinement et armées d'éperons de part et d'autre de ses flancs.
Montez en amazone, les filles, et pas seulement pour faire joli, pas seulement pour un spectacle, pas seulement pour vous marier : montez en amazone pour pratiquer une subtilité qui approche celle de votre cheval, pour pratiquer avec finesse et sensibilité la quintessence de l'équitation.

Danièle Rosadoni

 

PHILOSELLE NOUS A QUITTE CET ETE DANS UN GRAVE ACCIDENT QUI LUI A COUTE LA VIE, TOUTES NOS PENSEES A ROSA

 

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