LADY LE PUR-SANG ANGLAIS
Monter est un véritable plaisir qui se mérite, un effort qui doit se prolonger dans un rituel qui commence au début par le bonjour aux chevaux, le pansage, seller, et enfin marcher côte à côte pour se détendre et humer avec bonheur les premières effluves d'un matin de printemps. Puis on se hisse sur son compagnon et l'on commence sa promenade dans un pas actif mais détendu, on chauffe doucement tous les muscles engourdis.
Mais tout commence dans le box, cavalière de club pendant longtemps, je ne montais que des chevaux d'instruction ou au pair. Si débutante, je préférais les mêmes deux ou trois barbiquets, doux et bien sages, j'ai vite compris que pour progresser, il me faudrait en passer par le fier pur-sang abandonné par son propriétaire 7 jours sur sept, ou le ténor de l'obstacle qui ne supporte pas les déséquilibres de son cavalier et rue à chaque réception, histoire de bien faire comprendre qui est le pro et qui est l'apprenti.
Quand j'arrivais au box de l'élu, pour ma reprise, j'avais comme un rituel, bien regardé celui qui y vivait, voir si il présentait sa croupe ou sa tête à l'inconnue que j'étais. Du haut de mes 12 ans, je n'avais aucune allure de dominante mais je voulais du plus profond de moi même être l'amie, la confidente et pourquoi l'être qui saura comprendre et devenir centaure avec ce magnifique prisonnier aux yeux reflétant tant de choses qui m'échappaient alors en partie. Je laissais à l'extérieur tout le harnachement, il fallait déjà mettre le licol, quand il y en avait un, ou le filet afin de ne pas tourner pendant des lustres en rond, trébuchant dans la paille et le crottin. J'étais petite, menue et ces grands chevaux pour la plupart, des réformés des courses ou des chevaux de concours étaient immenses. Ruse et douceur étaient mes véritables amies pour me faire accepter, mes mouvements devaient être doux et lents, la moindre précipitation ou un excès de zèle transformeraient mon approche en conflit. Un sucre caché dans le creux de ma main et le mors par dessus, la grande tête s'abaisse, gourmandise primant pour l'un, et ténacité pour moi, j'arrivais toujours à mettre mon filet même aux plus rebelles, les pires étant les pur-sang. Ces magnifiques chevaux qui ont térrorisé toute mon enfance de cavalière, ils n'étaient que dents et coups de pied, de vrais sauvages, des démons. C'est bien plus tard, quand je me suis vu confier une jument pur-sang anglais, arrivant tout droit des Haras et n'ayant jamais connu les courses, que j'ai dû par la force des choses, faire l'effort d'oublier ma peur et de comprendre pourquoi tant d'agressivité. Le pur-sang est le cheval d'un cavalier à qui il donnera tout, séparé de sa mère à 6 mois, débourré par de petites brutes teigneuses à 18 mois, et poussé jusqu'au bout de ses limites dès ses débuts de cheval de course, il n'a plus d'espoir, il est devenu machine, que l'on bat à grands coups de cravache aussi bien devant les caméras que pendant l'entraînement, jamais de repos, sauf si les ligaments se rompent, si une jambe casse, ou si souvent tout explose dans sa tête et le voilà libre mourant sur le terrain [Il faut savoir que deux chevaux meurent en moyenne dans chaque réunion : crise cardiaque, blessures graves contraignent les vétérinaires à euthanasier les chevaux, l'assurance étant plus favorable pour la bonne santé du propriétaire. Extrait de Cheval Magazine février 2002].
Lady n'a pas connu ce genre de barbarie, mais pour ce qui était du caractère,
elle était dans le moule de tous les autres, agressive, dents et coups
de pied toujours en action, elle roulait des yeux blancs, les oreilles disparaissant
en arrière. La menace chevaline dans toute sa splendeur, il y avait bien
de quoi effrayer la petite fille que j'étais mais maintenant il me fallait
comprendre, et ruser avec ce monstre de douceur. Le pur aime ou n'aime pas,
il n'aime pas passer de main en main, il n'aime pas la punition injustifiée,
il n'aime pas l'erreur, il aime le respect, la douceur, que l'on explique clairement
ce que l'on attend de lui, d'avoir un seul cavalier ami. Le jour où vous
aurez compris tout cela, sera le jour où vous pourrez entrer dans le
box sans garantir vos arrières, en toute confiance, sachant que ce ne
sera plus les dents ou les sabots qui vous attendent mais une belle tête
fine et expressive qui acceptera, grand don pour ce cheval, un bisou sur le
bout du nez sans que les oreilles se couchent. Vous pourrez aussi faire le pansage
sans licol en liberté, ce ne sera plus une partie d'échec où
chaque mouvement épié par le fier destrier, peut se transformer
en sanction, oubliez l'étrille en métal pour cette peau fine et
sensible, préférez celle en caoutchouc, la brosse douce, prenez
les pieds en les demandant, c'est lui qui vous les donnera, fini les positions
: une jambe en arrière pour fuir le coup, vous essayez tremblante de
curer les postérieurs. Le pur est comme ça vous : donnez et il
donnera. Pour les jeux en liberté, restons prudent, je l'ai fait dans
un paddock où il y avait quelques arbres sauveurs, quand il joue, le
dessus ou autre chose prend souvent le commandement et les dents sont plus souvent
en avant que les oreilles, dominant, dominé, le pur en liberté
dans un contexte club, se sent dominant, plus de licol, plus de bride, un cavalier
sans arme, on va bien rigoler, farceur il faut lui expliquer les règles
du jeu, mais canaille il adore les enfreindre. Alors il faut bien le connaître,
sans trop le brimer de cette joie de jouer les terribles, il vaut mieux qu'il
le fasse sous contrôle dans le jeu, qu'à un moment de travail sérieux.
Quand Lady chargeait trop que qu'il me fallait trouver refuge derrière
les arbres, un fois, ok c'est un jeu, deux fois, non c'est mon tours et mon
tours était de lui demander la révérence sans rien, juste
un sucre. Elle le faisait, cette position la met en défaut, cela la rend
vulnérable et quand elle a confiance tout ce passe bien, ce n'est pas
du cirque, c'est de l'échange de bonnes idées.
J'ai même monté ma jument à cru, chose qu'elle ignorait totalement, car le colonel, son propriétaire, était dans la monte de tradition et militaire, pas de câlins mais un sucre de temps en temps, pas de jeu, et encore moins de fantaisie du style de la monte à crue. Je n'étais pas peu fière d'être sur ce corps musclé, fin, racé, que le moindre effleurement faisait vibrer. Au début, j'ai bien pensé que j'irai au tapis, mais Lady surprise, n'a pas été méchante, il ne fallait pas serrer les jambes, sensibilité oblige, mais même en me sachant vulnérable, elle est partie d'un bon pas dans la carrière et nous avons même goûté au galop, à la grande stupeur du Colonel qui n'arrivait pas à en croire ses yeux, j'ai eu droit aux réprimandes de rigueur mais comme toujours, j'étais la seule femme civile et bénévole du club qui arrivait à redonner du moral aux chevaux d'instruction, qui jouait avec les autres sans que personne ne souffre et que tout le monde profite des humeurs positives de la cavalerie. Les bisous, les câlins, un travail en finesse, les punitions intelligentes et les jours de repos en paddock avec des copains ont été ma création au sein de ce club qui fonctionnent toujours aujourd'hui 20 ans après mon départ.
Le pur-sang arabe est peut-être un diamant, améliorateur de race, beau, performant dans certaines disciplines. Le pur-sang anglais est lui une perle, cette perle fine et pure qui fait toute sa valeur.
Qu'il soit cheval de loisir, cheval de CSO, cheval de Doma Vaquéra, ou cheval de Haute Ecole, les grands écuyers vous le diront, si les ibériques et certaines races allemandes sont nés pour cette discipline, obtenir les mêmes résultats avec un pur, tient d'un travail minutieux, sans erreur, et suivant la maturité du cheval et son caractère et surtout de la confiance entre cavalier et cheval.
Le pur-sang anglais mérite qu'on lui donne sa chance, et tous ces chevaux réformés qui n'ont connu que tortures et l'imbécillité de l'homme d'argent, ont besoin d'être compris et de reprendre confiance. Contrairement à son collègue de galère, le trotteur, cheval généreux et pas rancunier, le pur-sang anglais n'oublie pas, aussi bien les gestes méchants que les gentils, et avec beaucoup d'amour, et de patience vous pouvez avoir les meilleurs moments de votre vie sur ce cheval, pas si fragile que ça, si nous sommes bien d'accord, il n'a pas été brutalisé physiquement et moralement dès ses 6 mois, ce qui n'est pas le cas des chevaux destinés pour la course.
mimique très connu et facétie du pur sang |
avoir peur ? non mais toujours prudente |
Et pour ceux qui pensent que les éleveurs de chevaux de courses (trotteurs comme galopeurs) et les entraîneurs sont des anges, rappelez vous qu'il existe un règlement comptant le nombre de coups de cravache que l'on a le droit de donner et aussi qu'il devrait y avoir un juge qui surveille le jockey qui frappe un cheval au bout de ses moyens, juste par plaisir...!! Lire les propos de Monsieur Olivier Malherbe responsable du secrétariat des commissaires aux cours à France Galop. Comment peut-on comptabiliser la cruauté ? l'argent rend aveugle beaucoup trop de gens de la bonne société comme le simple citoyen.
Alors certains clubs, remplissent leurs écuries de réformés,
purs et trotteurs complètement cassés moralement et souvent physiquement.
Ils sont là pour que vous appreniez à monter à cheval,
du débutant au cavalier moyen, c'est bien souvent un chemin terrible
qui leur font fuir l'équitation, ces chevaux ne devraient pas aller directement
à la "Meule" mais passer dans des mains expertes qui vont leur
apprendre à redevenir cheval et oublier la machine qu'ils étaient,
mais une vilaine histoire de rentabilité fait sauter cette étape
pourtant si importante.
Quand j'étais jeune et que je finissais la reprise sans chute, je rentrais
en tenant bien mon fauve loin de moi, afin qu'il n'emporte pas un morceau d'épaule,
au box, avec force friandise et sucre, j'arrivais à desseller et à
lâcher ce beau coursier, que j'admirais mais qui me rendait malade. J'ai
eu des chevaux qui arrivaient directement des champs de courses ; ne refusant
jamais le cheval que l'on m'attribuait, je me retrouvais sur cette "machine
du galop" pas de frein, pas de direction, en manège certes mais
les copains restaient garés au centre, Tagazous se croyant sur la piste
prenait la main ; à 12 ans je n'essayais qu'une chose, rester dessus
afin de ne pas me voir coller au pare botte par une mauvaise ruade. Cela allait
si vite parfois que ces chevaux ignorant les tournants des manèges, prenaient
appui sur le pare-botte, une vraie folie....
Mais au bout d'un certain temps, quand le calme était revenu, quand ils commençaient à se montrer moins fous, ils étaient vite rachetés par un propriétaire car ils ont de très grandes capacités, et moi je recommençais avec un autre. Ma préférence allant au trotteur, nettement moins agressif, mais aussi dingue que les premiers. C'est la triste histoire des chevaux de courses.*
Lady n'ayant pas connu ce milieu m'a fait aimé cette race qui demande respect et amour pour donner le meilleur d'eux.
Lady est à la retraite, le Colonel la monte de temps à autre, faut dire qu'elle a 26 ans, mais si bien entretenu que mademoiselle joue toujours les coquettes et si on l'écoutait, ferait bien encore une petite course avec les autres, ce qui pourrait lui coûter la vie, alors elle est avec deux vieux garçons, peu enclin aux facéties, elle est à 500 km de moi, mais elle est toujours dans mon coeur, et je peux dire que j'approche n'importe quel pur-sang anglais avec la manière qu'elle m'a apprise et que je n'ai plus d'accès d'agressivité envers ma personne, pas plus que de peur envers eux. Les chevaux aussi savent vous enseigner des choses à vous de savoir les comprendre.
Quand je suis partie, le colonel a trouvé une autre cavalière
pour sortir sa jument, cavalière que je n'ai jamais rencontré.
Quel n'a pas été ma surprise il y a quelques mois de recevoir
un mail, me racontant la vie de Lady la luronne... Ma Lady.
Stéphanie a donc pris le relai, et pour elle aussi Lady aura été une merveilleuse jument, qui lui a appris beaucoup de choses. voici son histoire avec LADY Quelques semaines après t'avoir écrit
j'ai rencontré Thierry Garrido à
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en 2005 Lady a rejoint le paradis des chevaux à 27 ans |
Wipser partage maintenant la vie de Stéphanie. |