L'ÉQUITATION A CRU

Simple effet de mode ou pratique réelle ?

La monte à cru est la plus ancienne forme d'équitation. Les livres historiques expliquent très bien le phénomène mais à notre époque quelle utilité de monter sans selle ???

Pour le fun, galoper dans les champs sans selle au contact direct avec le corps du cheval, c'est rempli de sensations.

Pour être différent, remettre en question sa position bien calée dans la selle, mériter ses galons. Quand on voit les bout'choux montaient à cru les shetlands avec aisance et presque facilité, on peut penser que comprendre le cheval c'est déjà sentir ses muscles et sa locomotion entre ses jambes;

Par flemmardise, combien d'entre nous n'ont pas eu envie d'aller chercher tapis, selle et autre, et grimpe sur le cheval comme ça en licol pour une ballade informelle dans le quartier.

Pour rechercher un autre contact et pour travailler différemment son cheval.

Enfin il y a un tas de bonnes raisons pour monter sans selle.

Les Jean Marc Imbert, Lorenzo, Jean François Pignon nous font rêver. Tomber les cuirs et dialoguer avec son cheval par les moyens les plus purs et les plus naturels : le corps et l'esprit.

La seule contre indication à l'équitation à cru est : la colonne vertébrale. La votre comme celle du cheval. une épine dorsale saillante engendre douleur pour l'un comme pour l'autre mais il n'est pas impossible de monter à cru, un bon tapis et un alfagel tenu par la sangle de la couverture d'écurie peuvent pallier au garrot prononcé et aux fessiers maigrelets.

 

Pour ma part, je pratique la monte à cru pour toutes ces raisons. Juste une heure de voler au temps et je grimpe sur mon cheval pour aller m'oxygéner dans la forêt, pas le temps pour seller, coup de brosse rapide, faire les pieds et hop on part.
Le galop dans les champs sans selle, les rênes attachées sur l'encolure, les bras tendus et sortir tout le stress engrangé pendant la journée, cela vaut tous les médicaments de la terre pour se sentir libre, vivant et zen.


Coincée par les cuirs de toutes sortes, on tombe la selle pour mieux comprendre comment fonctionne l'animal sous votre corps, mieux assimiler le posé des pieds dans les différentes allures. La selle parasite tout cela et donne un effet de confort. Lorsqu'on n'a pas bien saisi le mécanisme du changement de pied au galop par exemple, monter à cru nous aide à mieux nous servir de notre assiette, et pour le cheval un peu "blindé" un effet de jambe et d'assiette associé est mieux perçu.
Mon rêve étant d'être un jour en parfait accord avec mes chevaux et de monter comme Jean Marc Imbert, sans rien, avec El Gato c'est presque fait. Pour Hidalgo il y a encore beaucoup de travail.

Travailler à cru l'obéissance, c'est le but d'une de mes dernières séances sur le plat avec Hidalgo.
Hidalgo est complètement transformé par l'ouverture de la chasse. Le manque de respect et la folie humaine qui font que certains ont le droit de pénétrer dans les parcs où il y a des animaux en pâture et de tirer à tout va, font que le pauvre Hidalgo devient fou furieux, peur, terreur et haine sont son quotidien. Pour les avoir défendus je me suis retrouvée avec le canon d'un chasseur dans le ventre et menaces de mort pour famille et animaux... donc je peux comprendre mon cheval. Même les grelots des chiens le rendent survolté. Moi qui lui avait glissé un grelot à son filet pour ne pas se faire tirer dessus en promenade, j'ai bien cru que je montais le diable avant de comprendre que c'était le malheureux objet qui était la cause de sa panique.

Donc les dernières sorties, on était style "rodéo", il ne jetait pas son feu, ni même faisait preuve de mauvaise volonté, non rien de tout cela, simplement au premier coup de fusil, il a commencé à grogner, à être sur l'oeil, et après il a laissé libre cours à de la ... fureur. Une colère qui lui a fait oublier que j'étais dessus et coup de cul, saut de mouton, démarrage en trombe, arrêt net avec frappe du sol de l'antérieur, tête dressée, ne me disait rien de bon, et je comptais à chaque coup de folie mes vertèbres transformées en puzzle.
Dangereux ? il l'était ! Hidalgo n'est pas un cheval facile, très intelligent et gentil, il souffre d'un passé où il a été battu comme plâtre et dont j'ignore tout, avec beaucoup de patience, je lui ai redonné confiance, mais 20 % de ces fantômes sont toujours présents et quand la situation tourne à la persécution comme la chasse, il "pète un câble" comme dise les jeunes à juste titre.
Il a fallu que je remette les pendules à l'heure mais il m'avait mis sur les genoux, j'ai donc commencé une séance d'obéissance à pied, la fatigue m'a poussé à le monter à cru, ce n'était pas la première fois, en été, je le fais assez souvent , les chevaux sont détendus et le poils est raz donc propre. Là mon but n'était pas la vitesse mais reconnecter sa tête à la mienne par des ordres oraux ou par ma position.

Le travail au pas est toujours très faible en reprise classique, on ne prend pas assez le temps de confirmer le savoir du cheval au pas, et c'est pour cela que l'on voit des chevaux ouverts dès le trot ou très contractés dans le rassemblement. La monte à cru pour ceux qui ont tendance à aller trop vite est excellente.

 

Je suis partie sur des bases simples de transition, pas arrêt, pas arrêt reculer, épaule en dedans et tête au mur qui sont pour moi des assouplissements utiles quand on en abuse pas, étirement de l'encolure, pour aboutir en fin de séance à un travail sans rênes... pourquoi pas.

les quelques photos ci-dessous vous montrent mon travail, ma position est parfois pas très jolie, ma chatte Sam adore jouer aux indiens et aux cow boys avec mon Hidalgo. Cachée sans la grande haie elle lui saute dessus et lui par jeu, bondit comme un diable de sa boite et les deux compères sont contents, moi moins, vu les rondeurs d'Hidalgo ... je glisse un peu. Bref, nous n'avons pas de manège aseptisé pour travailler et mon rond de longe avec beaucoup de matériel (quilles, chaises, barres...) garde un peu le côté naturel que l'on rencontre à l'extérieur, sans oublier en fond sonore les coups de feu dans le bois avoisinant.

Je débute avec un cheval tendu, pas très à l'écoute

Volte en patate...

arrêt crispé, oreilles qui racontent bien l'état du cheval

on engage un minimum, rênes ajustées pour éviter les demi-tours suite au jeu avec...

Sam la chatte qui va perturber la séance...

oreilles couchées, Monsieur Hidalgo bougonne

un petit trot pour mettre en avant

on passe au chose sérieuse, on donne un pas franc et net

toujours parler au cheval, Hidalgo écoute

quelques serpentines autour des quilles

prendre le temps de regarder, Hidalgo se gonfle légèrement, à cru on le sent bien si on ne le voit pas...

une chaise ?... inquiétude ou semblant d'inquiétude, surtout pas de pression avec les jambes, le mettre dans le flou, il ne faut pas confirmer sa peur par un effet de mouvement. Dans le flou, il regarde, lui laisser le temps, même se mettre en bout de rênes, parler et récompenser... il passera

arrêt, rênes souples, tenir l'arrêt jusqu'à 10 voir 20. On bâcle toujours trop vite l'arrêt. un antérieur négligé

Hidalgo commence à mâchouiller son mors : bon signe

coup de pétard dans la forêt..!

Il recommence à se crisper.

Solution maison, tripotage des oreilles, faut qu'il se reconcentre sur le travail et me fasse confiance

prendre le temps de le temps de se détendre, et c'est par l'assiette que je le sentirais

Hidalgo est denouveau à l'écoute

un léger signe de mauvaise humeur dans les oreilles mais il allonge son pas et se détend

rester fixe pour ne pas parasiter le cheval

le pas est de mieux en mieux, les rênes sont ajustées mais longues

on en profite pour le rassembler un peu, on raccourcit légèrement les rênes mais on n'oublie pas que l'impulsion vient de derrière, si le cheval n'engage pas ses postérieurs inutile de le rassemblé, vous aurez que des postérieurs qui courent après des antérieurs...

Il y a beaucoup d'objets dans mon rond de longe, dans la nature c'est pareil, faire du travail dans un endroit hyper "clean" ne va pas aider votre cheval en extérieur qui prendra le moindre prétexte pour faire l'idiot.

tête au mur

la tête au mur dans un rond de longe de 12 m de diamètre c'est assez difficile pour un cheval, les rondeurs d'Hidalgo ne l'aident pas non plus, mais il s'assouplit de mieux en mieux

Hidalgo communique ses états d'âme par ses oreilles, elles sont le miroir de son humeur.

un autre arrêt

une oreille écoute, l'autre surveille les alentours

la jambe isolée est plus facile à comprendre pour le cavalier comme pour le cheval.

Au fils de la séance Hidalgo oublie sa colère et obéit bien mieux, pas d'éperons, un déséquilibre et on plante le cheval... malheur ! mais la houssine est utile pour engager un membre, il n'est pas interdit de se pencher pour voir si les pieds sont bien posés dans l'arrêt et à l'aide de la gaule demander un ajustement..

quelques voltes au trot, le remette en avant.

et sans les rênes... à la voix
il faut éviter de mettre un collier au cheval, style étrivière qui pourrait vous aider à monter sans filet mais c'est une autre sorte d'aide artificielle, dès le départ lorsque vous avez pour but de monter sans rien, mettez vous en bout de rênes puis nouer les et ensuite enlever le filet mais ne rajoutez rien en échange cela ne ferait que compliquer la chose.

La gestuelle, le poids du corps et les jambes peuvent aider dans les débuts

le cheval vous voit grâce à la position de ses yeux (voir l'Indien de Jean Marc Imbert, l'arc et la main ...)

toujours faire ce genre d'exercice en fin de séance dans la décontraction, et en ayant pris soin de répéter le nom des figures à voie haute pendant la première partie du travail

appelez votre cheval par son nom et donnez votre ordre, s'il était en train de rêver, il saura que vous allez lui demander quelque chose, le cheval comme le chien est très intelligent et mémorise les ordres sans problème

l'arrêt, même s'il n'est pas parfait pour le moment, mais il a oublié d'être le cheval sauvage et furieux qu'il était quelques temps avant.

Tenir l'arrêt

reprendre les rênes, et le cheval mâchouille son mors, opération gagnée, il est redevenu zen

rassemblé

allongé

travail du pas espagnol

pour l'instant on est au grati grata et plantage de poireaux

Le travail à cru pour certains peut paraître risquer mais il est évident que cette forme d'équitation est excellente pour le cavalier comme le cheval. Il m'est arrivé de monter une jument pur sang anglais qui n'avait jamais été montée ainsi. La finesse de la peau et son caractère la faisaient frissonner sans cesse, mais j'ai réussi à la détendre et la travailler au pas, j'avais l'impression d'avoir une anguille entre les jambes. Par la suite, je l'ai fait plus souvent, et elle était bien plus à l'écoute sous la selle et moins sensible de peau...

LA MONTE A CRU VU PAR AUDREY

 

Lorsque j'ai débuté l'équitation, il y a à peine plus de 20 ans de cela, mon club imposait au moins une année de monte à cru pour les petits cavaliers débutants. On n'obtenait la sacro-sainte selle que plus tard quand le moniteur jugeait que nous avions acquis assez d'assiette. La bardette ne faisait même pas partie de la sellerie. A cru, à cru ! De mémoire j'ai fait au moins deux années sans selle, quel que soit le poney, même Prince avec sa colonne vertébrale saillante qui m'a valu de m'user la peau des fesses jusqu'au sang une fois. Pourtant malgré les gadins, malgré le mal aux fesses parfois je n'ai aucun mauvais souvenir. Seulement des sensations merveilleuses .

Orage 1985

Les années passent, bonjour la selle, les souvenirs de cette tendre époque s'estompent. Plus question de me passer de ma sacro-sainte selle ! Les séances de mise en selle sans étriers me font penser que je devais être complètement folle, gamine d'aimer monter à cru tellement ce n'est pas agréable. Bien sûr comme tout le monde je montais sur les chevaux à cru pendant qu'ils broutaient, mais pas plus vite que le pas on ne sait jamais !!!

Chouxfleuret 1985

Ma rencontre avec Kiki a été synonyme de redécouvertes de beaucoup de sensations oubliées. Comme son pré n'est pas à côté de l'endroit où je le selle et qu'il est grand, en bonne faignante que je suis me voilà à prendre l'habitude de le ramener à cru et en licol. Mais toujours au pas malheureuse ! Les quelques foulées de trot s'avèrent toujours glissantes et comme tout un chacun les chutes moi j'aime pas ça ! Et puis un jour il y a 3-4 ans, au détour des pages d'un album photo, je tombe sur une photo de moi gamine en CSO à cru ! Et la hauteur est très honnête. J'avais oublié que j'étais capable de faire ça ! Qu'à cela ne tienne si je savais le faire petite, je suis capable d'y arriver encore ! Le défi est lancé !

Dur dur de passer cette appréhension de la chute, on donne tant d'importance à la selle qu'on oublie trop facilement que c'est l'assiette qui fait tout ! Je range ma selle et m'impose de monter à cru . Bien sûr au début? je ne fais que du pas et quelques foulées de trot. Par sécurité, ou plutôt pour me rassurer? j'ai installé une étrivière autour de l'encolure de Kiki. Et de fil en aiguille? je retrouve toutes ces sensations merveilleuses oubliées. La chaleur de mon compagnon contre moi, ses muscles qui roulent ou se crispent parfois, à nous les ballades de plus de deux heures dans la décontraction, je me mets même à sauter . jamais très haut seulement se faire plaisir sans se faire peur.

Que m'apporte la monte à cru ? Des sensations tout d'abord, une démystification de la selle. Sans elle on tient très bien. Aussi, une meilleure compréhension des mouvements de mon cheval, une meilleure communication avec lui car à cru je m'applique plus, je suis plus concentrée à ce que je fais. Tellement de choses !
Je n'ai pas jeté mes selles aux orties mais j'alterne monte à califourchon, en amazone ou à cru selon mes envies ou mes objectifs de travail. J'ai remarqué que mon cheval sautait mieux quand j'étais à cru pour une seule et bonne raison : je ne le gêne pas ! Concentrée sur ma position je cherche moins à contrôler tout ce qu'il fait. On va dire que nous sommes un peu plus en harmonie. La monte à cru est une équitation de sensations pour moi. Un petit plaisir que l'on s'offre.
Aujourd'hui mon assiette à cru s'affine chaque jour un peu plus, j'encaisse les sauts généreux de Super Kiki avec de plus en plus de décontraction (et si c'était cela la clé ?), le trot n'est pas si inconfortable que cela, le galop est un bonheur à l'état pur, cette impression de « ne faire qu'un » est magnifique.

Petits conseils tirés de mon expérience :
=> Evitez soigneusement les périodes de perte de poils qui rendent la monte à cru exécrable, on ne pense qu'à se gratter, les poils traversent le pantalon c'est une horreur !
=> Les grandes chaps sont un bon outil pour vous protéger de la transpiration de votre compagnon . chose pas très agréable non plus.
=> Monter avec un tapis accroché avec un surfaix rend la chose beaucoup moins stable et atténue les sensations.
=> Si vous mettez une étrivière autour du cou, veillez à ne pas la serrer, que la boucle n'appuie pas sur la trachée de votre cheval quand vous vous en servez,attention aussi à ce qu'il ne se prenne pas le pied dedans s'il vient à brouter.
=> Ne jamais aller au-delà de ses limites, toujours veiller à se faire plaisir sans se mettre en danger.
=> Il est utile d'apprendre à monter sans aide (montoir ou personne) car si vous partez en ballade il peut vous arriver de mettre pieds à terre au milieu de nulle part. La meilleure technique est la suivante (avec de l'entraînement et un cheval habitué à ne pas bouger au montoir malgré vos gesticulations) : comme pour monter avec un étrier main gauche sur l'encolure avec une bonne poignée de crins, corps perpendiculaire au cheval le regard vers l'arrière, on balance la jambe droite et on la jette sur le dos du cheval en opérant une rotation vers celui-ci tout en se servant de sa main gauche pour s'aider à se décoller du sol . et hop ! En selle ! J'avoue que cette technique nécessite un peu de pratique mais une fois acquise même monter sur un cheval d'1,70m ne vous fera pas reculer !
=> Les chevaux à garrot et colonne vertébrale saillants sont à proscrire pour des raisons évidentes de confort !

Pourquoi pas vous ???

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