Le Re-Dressage de Filoselle

Vous ne voyez pas la régularité, mais moi je la sens.Vous devinez l'impulsion et vous voyez ce que j'appelle le temps de lévitation.

 

Vous l'aurez attendu longtemps ce prochain épisode ! Je vous avais laissées sur une note d'espoir, parce que je m'efforce toujours de rester optimiste, mais je vous avais appris la boiterie de ma Filoselle fin 2010, dernière occurrence d'une longue, très longue, trop longue suite de contrariétés, accidents, problèmes de toutes sortes.

Avec des friandises, Filoselle ne se fait pas prier pour s'étendre et rester longtemps le dos offert à la selle. Elle se baisse aussi dès qu'elle me voit avec la selle sur les bras, mais la mise en scène n'est pas au point pour qu'elle le fasse à côté d'une chaise, celle-ci à côté d'un tabouret, et qu'elle reste assez longtemps baissée pour que j'escalade tout cela et pose la selle sur son dos.


J'avais cependant raison de parier sur une amélioration, même si, je vous l'avoue, ce n'était que par politesse. Vers mars-avril de l'année dernière, Filo avait retrouvé une relative régularité, assez pour que l'on recommençât à travailler. Inutile de préciser que l'ami responsable de la boiterie avait de lui-même pris le large. J'ai été dès lors la seule à monter la jument - cette précision n'est pas sans importance -, souvent à califourchon à cause de mes épaules qui restaient douloureuses (qui le restent toujours à l'heure où j'écris ces lignes) et m'empêchaient de seller en amazone. Filoselle sait étirer ses antérieurs et se baisser quand elle me voit arriver avec la selle, mais elle se relève avant que je n'aie eu le temps d'escalader une chaise pour déposer la selle sur son dos. La selle anglaise, plus légère, ne demande qu'un petit tabouret et la manœuvre est plus rapide.

On constate la persistance de ses défauts. Vous voyez qu'elle est toujours enfermée. J'ai d'ailleurs attrapé une tendinite au bras gauche à force de la relever. Ou d'essayer de le faire.


J'ai beaucoup travaillé, sans rien de spécial à noter, sinon que - malgré les avis aimables m'assurant que la jument ne cessait de progresser -, je refoulais de vrais moments de découragement et ce n'étaient pas des choses à vous dire. Ses défauts, pour moins apparents qu'ils fussent ne lâchaient pas la barre et, à propos de barres justement, j'ai découvert de nouveaux - anciens - traumatismes. Amenée innocemment sur une barre au sol, elle réussit la prouesse, ses yeux jaillissant des orbites, de freiner des quatre fers comme un cheval de BD, se tétaniser et cependant opérer une violente demi-pirouette au galop. J'ai vérifié ensuite son refus catégorique de sauter le moindre cavaletti…et j'en ai déduit ce que vous déduisez aussi. Pauvre Filo ! Elle a dû en bouffer , des barres.

D'accord, c'est le mauvais temps du galop et il est évident que je m'amuse. Néanmoins il est aussi évident que la demoiselle n'est pas d'une légèreté exemplaire.


Au moins avons-nous développé nos relations de tendresse et de confiance.


Et puis, à l'automne, mon association France-Danemark prévoyant un déplacement culturel à Compiègne, donc à deux pas de chez moi, me demanda d'assurer un intermède amazone pour nos membres sur le chemin du retour. Un plein autobus ! auquel j'adjoindrais des amis à moi qui ne m'avaient vue que sur Mutin.
Branle-bas de combat. Démarches. Lettres. Organisation. Programme. Un ami me prête son MP3 pour que je puisse me préparer en musique. Et c'est là que tout a commencé.
Quoi donc ? Eh bien, vous le saurez au prochain épisode.


Danièle Rosadoni

Il y a deux coeurs sur la photo, un à son cou (quel symbole!), l'autre dessiné par le soleil juste à côté. J'aime bien cette image de notre tendre complicité

Le Re-dressage de Filoselle (10)

 


Un petit miracle. Galvanisée et apaisée tout à la fois, voilà que ma Filoselle se cale sur la musique, voilà que, pour la première fois, nous dansons ensemble. Elle est inspirée, je l'écoute, elle me répond, je la suis, elle s'invite, je l'accompagne, elle me tend les bras, je lui emboîte le pas. Figures, voltes, appuyers, contre-changements de main, variations d'allures, galop presque léger et… oui ! mais oui ! c'est un changement de pied, là, de gauche à droite… Un changement de pied facile, heureux, alors qu'elle était épouvantée, soufflante et fuyant dans un galop hystérique dès qu'elle avait l'impression qu'on allait le lui demander. Merci l'ami Yvan, son MP3 et la musique qu'il avait apportée, celle que Mutin préférait, que Filoselle adoptait et que j'allais utiliser le 20 novembre. Tant pis pour le cliché, la musique classique la plus populaire au monde, la plus populaire aussi chez les chevaux ( ?) : le Boléro de Ravel. Je trouverais une astuce, fût-elle tirée par les crins, pour l'intégrer à mon programme.
J'ai prévu une partie pédagogique replaçant la monte en amazone dans son contexte historique, d'abord par écrit, avec des textes distribués par avance à tous les participants et à tous mes invités personnels (c'était la lettre d'invitation), ensuite par la diffusion pendant notre détente dans le manège d'un enregistrement parlé dont j'illustrais certains passages par des démonstrations in vivo.
J'énumérais les divers avantages de notre discipline, obligatoirement fine et légère, et je terminais ainsi : " Ensuite ? Eh bien, ensuite il faut compter sur cette communication magique entre cheval et cavalière et s'émerveiller de ce qu'elle réussisse… parfois. … Parfois. " Là-dessus, nous partions pour des évolutions sur les dix dernières minutes du Boléro.
Honnêtement, même si la chorégraphie avait été répétée - ou peut-être justement parce qu'elle avait été répétée -, je trouve que la séance du 20 novembre, devant un énorme public, a été moins magique que la toute première séance en musique sur la carrière. Mais Filoselle était en beauté, parée comme une châsse, j'étais en amour avec elle, elle coopérait avec toute sa gentillesse et j'ai intensément joui de ces moments de complicité. Malgré son format de grande fille mal dégrossie et un dressage limité, elle a des gestes étonnamment gracieux et elle a ébloui son public au point que certains de mes amis, des non-cavaliers évidemment, ont pu me dire qu'ils ne voyaient pas de différence avec Mutin… Je n'ai pas relevé le sacrilège et les mânes de Mutin ont pardonné…
Néanmoins, en un mois de préparation musicale, nous avions fait plus de progrès que pendant les six mois précédents. Mais nous partions de si loin !
Et il y avait encore tellement à faire que… Suite au prochain numéro.
Danièle Rosadoni

 


1ère séance en musique sur la carrière. Nous dansons


Le point blanc sur ma veste est le MP3 prêté par Yvan. Le haut-parleur est dans la sacoche de la selle à droite. Vive le Boléro!

Filoselle a une belle amplitude dans cet appuyer, inspirée aussi par cette belle lumière peut-être


Il y a plus d'automne glorieux que de galop (peu photogénique d'ailleurs) sur cette photo, mais il y avait ce bel automne dans la magie du jour.

La star est encore à l'habillage (c'est Julie qui s'y colle). "Parée comme une châsse": remarquez les chaînes d'or que j'avais cousues sur le tapis de selle, lui-même recouvert de tissu noir.

Eh oui, je m'étais habillée comme elle, en noir et or. Vous devinez le chouchou à l'arrière de mon chapeau, écho de celui qui ornait la queue de Filo.

Dans "les coulisses" avant d'entrer en scène. A qui parlais-je donc? Mais vous revoyez la parure raffinée de la miss.

Nous venons de saluer l'assemblée, nous allons commencer.


Mauvaise qualité technique, mais fin novembre, à l'intérieur, sans flash... difficile de faire mieux. Je monte le plus possible les rênes dans la main gauche et la badine en l'air.

Le Re-dressage de Filoselle (11)

"Qui croirait que cette gentille fille pourrait être si obstinément tête de mule?"

Pour résumer : Si l'on considère que j'ai à peu près éliminé certains automatismes (p.ex. on-ne-travaille-que-sur-la-piste ; ou encore la-carrière-ou-le-manège-ne-se-traversent-que-en-diagonale et que-aux-allures-allongées…), Filo a moins tendance à s'enfermer, mais elle a toujours l'encolure trop basse, les appuyers à gauche au trot et au galop restent difficiles et le galop lui-même continue à me poser des problèmes. Elle n'est pas guérie de ses arrêts intempestifs au bout de vingt ou vingt-cinq foulées et, en tous cas, dès qu'on rejoint la piste après une courbe. Qu'elle reprenne aussitôt le galop si on le lui demande, prouve qu'elle ne rechigne pas à galoper, mais il y a là clairement un handicap contre lequel je n'ai pas encore trouvé la parade.
Or, depuis qu'elle était arrivée au Centre Equestre, j'avais avec Julie, une jeune cavalière intelligente et cultivée, des conversations qui tournaient autour de l'équitation de légèreté. Nous avions déjà parlé de Bernard Sachsé, notre quasi voisin (à plus d'une heure de camion quand même). Elle venait d'acheter un jeune cheval et, elle non plus, ne trouvait pas de parade à certains problèmes. Nous fîmes donc le projet d'aller travailler toute une journée chez Bernard Sachsé.
Pendant deux mois nous nous sommes préparées, sur les plans physique, mental, logistique, comme pour une épreuve des J.O. La concentration, l'excitation, le stress. La veille au soir, nous sommes allées chercher le camion de location. Le matin même, levées aux aurores, nous avons pansé et habillé nos chevaux, rempli le camion - sellerie, matériel, rations, j'en oublie - et nous avons embarqué Filoselle, la plus lourde, en premier. Que dis-je embarqué ? Nous avons voulu le faire. Nous avons cru pouvoir le faire. Nous avons essayé de le faire. Nous nous sommes acharnées à tenter de le faire. Pendant plus d'une heure, avec carottes, seau d'avoine, friandises, encouragements. Mais la miss, elle, n'a rien voulu entendre. Rien. Rien de rien. Niet. Nada. Néant. Non, je ne monterai pas là-dedans, non je ne partirai pas d'ici, non je ne bougerai pas, non je ne céderai pas, non tu ne m'auras pas comme ça, non, non, non et non.
Il a fallu abandonner, la remettre au box. J'étais effroyablement, déçue, accablée, éliminée avant la finale, privée de ma participation aux Jeux. Tant d'élans et de projections ainsi piétinés. Assassinés. Absurdisés.
" La prochaine fois, je te prêterai Roof. Lui au moins, il voyage bien ". Merci Sandie. Aussi, en prévision de la prochaine fois, ai-je mis Roof en amazone, surtout pour moins souffrir de la trahison de Filoselle … Quelle prochaine fois ? Vous le saurez dans l'épisode suivant.

"Roof est un entier amoureux de Filoselle, galamment prêt à la remplacer pour la corvée du camion. Il vivait alors ses premières minutes en amazone."


Danièle Rosadoni

 

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Portraits chevaux